Thierry C.

http://lesangnoir.wordpress.com/

«Acheter des livres serait une bonne chose si l’on pouvait simultanément acheter le temps de les lire.» Schopenhauer
Et à quoi sert la littérature?
Peut-être à essayer de vivre selon les nuances car la littérature est «maîtresse des nuances» disait Barthes.
La littérature «s'embarrasse» de nuances. Ne se sépare de personne.
Elle s’intéresse aux différences, aux subtiles différences, aux sensibles singularités.
Elle veut comprendre. Raconter. Regarder. Éclairer l’existence.
Teinter la vie. Sucrer, saler la vie.
La littérature aide à respirer. Reprendre souffle. A souffler, un peu. Sûrement!

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2 novembre 2011

Apocalypse colonisation !

C’est l’histoire de Roger Casement.
Roger Casement est né en Irlande à Dublin dans une famille protestante.
Roger Casement vient en Afrique pour la première fois en 1883,
à l’âge de 19 ans. Il y rencontre Henry Morton Stanley, explorateur britannique (celui qui partit à la recherche de David Livingstone) et Joseph Conrad, le célèbre auteur de «Au coeur des ténèbres» (terrible roman qui relate les aventures d’un explorateur en Afrique).
Les passages du livre qui relatent ces deux rencontres (presque mythiques !) sont (presque !) fabuleuses !
Nommé consul britannique au Congo, propriété de Léopold II (roi de Belgique), il dénonce les atrocités commises par les agents du roi sur la population locale .
Roger Casement est aussi un nationaliste révolutionnaire irlandais.
Il est membre des «Irish Volunteers».


Accusé de haute trahison, sabotage et espionnage contre la couronne britannique, Casement est déféré devant un Conseil de guerre puis pendu à Londres en 1916.
Bien sûr, Roger Casement reste encore aujourd’hui un «personnage» controversé : par exemple, on pourra lui reprocher, en pleine guerre mondiale, sa tentative avortée d’alliance avec l’Allemagne du Kaiser contre l’Angleterre; il souhaitait se faire armer par l’ennemi, attendait une invasion allemande sur les côtes irlandaises. Pour l’indépendance de l’Irlande ! Ou bien son abusive consommation homosexuelle
de jeunes gens dans des endroits plus que louches !
Mais ce que je retiendrais de ce roman époustouflant c’est la description hallucinante de la colonisation.
«Stanley et ses accompagnateurs devaient expliquer à ces chefs de tribu à moitié nus, tatoués et emplumés, le visage et les bras parfois traversés d’épines et le sexe protégé par un tube de roseau, les intentions bienveillantes des Européens : ils viendraient les aider à améliorer leurs conditions de vie, les éduquer et leur ouvrir les yeux sur les vérités de ce monde...»
Au fil des pages, au fil de sa vie, Roger Casement va prendre (reprendre ?) conscience et faire exploser en éclats sa Sainte Trinité personnelle des trois C : christianisme, civilisation et commerce.
Au fil des pages, (au fil de sa vie ?) Vargas Llosa va nous faire exploser en pleine lecture les atrocités commises au nom de la sainte civilisation occidentale.
Avec une puissance romanesque époustouflante, Mario Vargas Llosa nous raconte la sanglante saga du colonialisme.
Après le Limonov de Carrère, voici, dans un autre genre, le Casement de Vargas Llosa : deux héros aventureux (malgré eux ?), deux destins hors du commun. Deux «personnages» homériques ! Deux romans magnifiques ! Deux styles éclatants !
Et pour enfoncer le clou (au nom de Dieu justement !) dans cette Afrique massacrée, citons deux grands écrivains amis de Casement lui-même. Sir Arthur Conan Doyle, «L'exploitation du Congo fut le plus grand crime contre l'humanité jamais commis dans l'histoire de l'humanité» et Joseph Conrad « La colonisation du Congo fût la plus infâme ruée sur un butin ayant jamais défiguré l'histoire de la conscience humaine ».
Un roman à la Dumas, qui a du souffle. A couper le souffle sans jamais s’essouffler !

Éditions de L'Olivier

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1 novembre 2011

Trop fugace.

C’est un recueil de vingt-sept courtes, très courtes nouvelles qui durent trois, quatre pages maximum. Des éphémères. Des instants de vie. Des instantanés de vie. Sur le couple. Sur l’amour. Sur l’absence, le manque d’amour plutôt. Des retrouvailles, des fuites, des silences, des dialogues pour combler le silence, de tragiques regards furtifs lourds de sens...Je n’ai pas aimé lire ces nouvelles : pas le temps de m’accoster à l’histoire trop fugace, pas d’espace pour comprendre ces histoires trop «zappées».
Un extrait à suivre pour vous donner une idée.
«J'étais heureux de revoir Geli après tant d'années. Je n'avais plus de femme depuis longtemps et Geli me plaisait. Elle était petite, mince, elle ressemblait à Ellen Barkin, mais en moins triste, et je sus aussitôt qu'elle aimait le sexe. Elle me demanda si j'étais marié ou si j'avais une amie. Au lieu de répondre, je lui demandai ce qu'il en était pour elle.
- Je suis justement en train de me séparer de quelqu'un, dit-elle, mais lui, hélas, ne se sépare pas de moi.
Nous étions dehors, au coin de la Reichenbachstrasse et de la Gärtnerplatz, et Geli dit :
- Accompagne-moi chez moi. J'ai lu ton dernier livre. Je veux en parler avec toi.
- Non, dis-je, surtout pas. Mais emmène-moi tout de même. Le livre était posé à côté du lit de Geli. C'était une histoire d'amour, celle d'une femme qui ne peut pas, bien qu'elle veuille, et d'un homme qui veut, bien que la femme ne puisse pas. Après que nous nous fûmes rhabillés, Geli dit :
- Je veux juste savoir une chose : dans la vie, tout était-il exactement comme dans ton livre ?»

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31 octobre 2011

Une époque opaque !

Nous sommes transportés en plein Paris de l’occupation allemande.
Hermine, dite Mimime est concierge d’un immeuble au 62 rue Montorgueil, près des Halles. Les personnages sont là, dans les appartements, sous la main, à portée de main. Ils vont vivre, survivre, vivoter la drôle de guerre devant nous. Un échantillon représentatif des français de cette époque opaque, comme un microcosme. Les riches, les pauvres, les dégourdis, les engourdis, les courageux, les lâches. C’est l’occasion de nous raconter le marché noir, le rafle du Vel d’Hiv, la collaboration, la spoliation des biens juifs, les résistants de dernière minute, la tonde des femmes.
On y rencontre furtivement, Jean Gabin qui conduit un char Leclerc à la libération de Paris, Arletty qui fréquente les «uniformes vert-de-gris», Robert Hersant en ignoble militant du Jeune Front pronazi, Hugo Boos qui fabriquait des uniformes allemands...
Ce premier roman est pétri de bonnes intentions : raconter une majorité spectatrice de la France occupée, préoccupée à surnager à la va-comme-je-te-pousse. C'est une période trouble facile à juger, difficile à jauger.
"Et c'était un peu ma vie résumée : j'étais concierge et pourtant, par hasard, je me retrouvais au milieu des gens les plus importants de Paris."
Oui mais voilà : le style de Landrot qui veut copier-coller la gouaille parisienne à travers Mimine sonne comme un mauvais doublage. Les personnages sont trops figurants, trop transparents. Dommage !
Dans le genre roman historique qui se passe pendant l’occupation, jetez vous sur les livres de Patrick Pécherot : «Les Brouillards de la butte», «Belleville Barcelone» et «Boulevard des branques», tous excellents.

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25 octobre 2011

L'amour, toujours l'amour...

«Le roman d’amour n’est pas seulement un discours sur l’amour, c’est aussi la mise en scène d’une expérience de l’amour.»
Les romans d’amour racontent des histoires d’amour, des récits où l’amour fait des histoires.
Pierre Lepape nous propose une histoire des romans d’amour.
De «Tristan et Iseult» à «Belle du Seigneur», c’est aussi et surtout une histoire d’amour avec les romans que nous offre généreusement Pierre Lepape.
Cet essai savant tout en restant plaisant à lire est destiné aux amoureux curieux de la littérature (ou curieux amoureux de la littérature !). Il décrypte les héros amoureux, héros malheureux, héros heureux. Anna Karénine, la Princesse de Clèves, Manon Lescaut, Jane Eyre. Tristan, Julien Sorel, Solal, Frédéric Moreau.
Ce livre se lira comme un dictionnaire pour piocher dans l’index à la recherche d’un livre, d’un auteur, d’un héros à travers des chefs-d’oeuvre, à travers des écrivains souvent «magnifiques" comme Fitzgerald, Kundera, Woolf.
Ou bien, il se lira comme un roman pour naviguer dans notre histoire des moeurs à travers la littérature, à travers les vagues souvent houleuses de notre code de conduite en manière, en matière d’amour.
Un livre très recommandable pour les passionnés de romans, d’amour, d’histoires et d’Histoire...et nous sommes nombreux dans ce cas...non ?

Nicole Masson

Eyrolles

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24 octobre 2011

L'essentiel.

"La litterature française" de Nicole Masson, sous titrée "tout simplement". Une histoire de la littérature des origines à nos jours, du Moyen Age à l'après mai 68. Pas facile de trouver (se retrouver, s'y retrouver) un dictionnaire de littérature. Bien sûr il y a "Une autre histoire de la littérature française" de d'Ormesson, "La littérature française pour les nuls". Deux complets ouvrages. Mais ce livre de Masson (500 pages chez Eyrolles Edition 2007) est excellent, très pédagogique (presque plaisamment scolaire), très agréable à consulter et qui remet bien les idées en place. Frises chronologiques, fiches, influences, résumés, extraits, citations: le panorama est complet. A mettre entre toutes les mains !