Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

Veronika Mabardi

Esperluète éditions

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15 décembre 2015

Veronika Mabardi écrit les textes et Alexandra Duprez les illustre en noir et blanc, avec des traits, des points, des fils... j'avoue avoir eu du mal à les intégrer à ma lecture, à en comprendre le sens dans ce texte-ci. Les éditions Esperluette sont belges. pour les plus ignares d'entre vous, l'esperluette, c'est cela : &. Ah, ah, merci Yv de m'avoir appris un mot, mais merci surtout aux-dites éditions.

Bon, revenons à nos... cerfs. Très beau texte, poétique, elliptique, il faudra que le lecteur fasse le lien entre tous les paragraphes ou devine entre les lignes les non-dits, les sous-entendus, ce qui est une technique d'écriture qui en général me plaît bien, chaque lecteur mettant ses propres images sur ce qu'il lit. L'écriture est simple, on est entre l'histoire qu'on raconte et le conte. Un récit initiatique, comme Le Petit Prince ; je cite ce célèbre livre, car un renard qui réfléchit est très présent aussi dans Les cerfs.

C'est une lecture agréable, je n'en ferai pas un coup de cœur comme Zazy qui m'a prêté l'ouvrage, j'y ai senti des longueurs. Mais j'y ai lu de belles images, des très belles pages sur la nature, sur les rapports entre ces trois personnages. Une histoire qui se situe entre L'odeur du minotaure de Marion Richez et Les trois lumières de Claire Keegan, deux très beaux textes, très différents l'un de l'autre et qui se rejoignent grâce ce pont entre eux qu'est Les cerfs.

Ainsi débute ce roman :

"Blanche ne parle pas, c'est ce qu'ils disent. Ils ont tout essayé. Même quand on dit son nom, elle ne répond pas, comme si ce n'était plus son nom. Il faut la laisser c'est difficile. Ils le disent tous les deux, le père et le frère, l'un après l'autre et parfois en même temps. Pour Blanche, surtout, c'est difficile. Pour elle, qu'on ne s'occupe pas d'eux, ils se débrouilleront. Eux sont sortis du choc, mais elle, Blanche, y est restée. Le docteur a dit pétrifiée par le choc. Une pierre. Eux, ce n'est pas ça qu'ils voient, pas une pierre, non. Elle a cessé de répondre, c'est tout." (p.7)

Pauline Desnuelles

La Remanence

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15 décembre 2015

Court texte, premier roman à la fois simple et beau. L'histoire d'Alma n'est pas originale, mais la manière d'en parler l'est. Des dialogues entre Alma et Léopold auquel la lie un amour fusionnel, entre Alma et Gaspard ou Althus, le vieil écrivain. Des histoires pour enfants qu'Alma raconte à Léopold, le soir. Des rêves également. Tout cela donne à ce roman une jolie musique, entre jazz et classique, une liste de lecture (pour ne pas user de l'anglicisme play-list) calme, reposante et mélodieuse.

Sa vie personnelle ne prend pas le chemin espéré, son couple est en plein questionnement et l'éloignement de Paul en est une conséquence. Aussi, Alma a-t-elle besoin de faire le point, seule. Ce séjour est la bonne occasion. Alma redécouvre le plaisir d'être courtisée, de nager, de faire de la planche à voile, de prendre du temps pour elle, pour Léopold et pour réfléchir à son avenir. Ce roman se passe sur quelques mois, il fait la part belle à la sensualité redécouverte, à la réflexion, à cet amour très fort entre mère et fils, aux plaisirs simples de la vie. Un beau texte, à l'écriture simple, épurée, sensible qui va au plus direct et au plus profond des personnages et des lecteurs. Pauline Desnuelles ne gomme ni les faiblesses de ses personnages ni leurs forces, ils sont humains, on pourrait les rencontrer dans nos vies de tous les jours, d'ailleurs peut-être les avons-nous déjà rencontrés ? Ou peut-être sont ils une partie de nous-mêmes, j'ai trouvé en Alma pas mal de points communs avec moi-même ? C'est un beau personnage -je ne dis pas cela pour la ressemblance que j'évoque- de femme. Ce lent roman n'était a priori pas ma tasse de thé, je l'ai choisi à cause de la beauté du titre (expliqué dans l'ouvrage), et franchement je m'y suis plu tout de suite et jusqu'au bout.

Je découvre avec Au-delà de 125 palmiers, les éditions de la Rémanence, basées à Vénissieux. Nul doute que j'en reparlerai très bientôt.

Conseillé par
15 décembre 2015

Pas mal de similitudes avec le Département V de Jussi Adler-Olsen, un service dédié aux vieilles affaires non closes, des flics peu motivés pris par leurs vies personnelles, il me semble même me souvenir d'un épisode de cette série traitant d'un sujet proche : des jeunes filles abandonnées dans des centres glauques ; ou alors c'était un autre écrivain danois, je ne sais plus, mais j'ai déjà lu un polar là-dessus. Malgré tout, je dois dire que j'ai bien aimé cette lecture, assez tranquille au départ, il faut attendre les toutes dernières pages pour bien sentir toute l'horreur de l'histoire. Ce n'est donc pas un thriller qui prend aux tripes dès le début et sans vous lâcher vous dégoûte un peu par les descriptions des victimes ou des actes violents, le sang qui coule ou les interventions paranoïaques ou psycho-sociopathes du tueur en série. Non, le rythme est plutôt calme, les investigations sont menées à tous petits pas. Il faut dire que Louise enquête dans la petite ville de son enfance et qu'elle n'y a pas que de bons souvenirs, un certain Ole Thomsen y a fait régner une loi personnelle et brutale lorsqu'ils étaient au collège et l'ombre de ses exactions rode encore. Louise y a aussi vécu un deuil, celui d'un petit ami dont elle a eu du mal à se remettre, une des raisons pour lesquelles elle a quitté la ville. Elle vit avec son fils adoptif, Jonas, adolescent et apprécie l'amitié avec un vieux voisin qui les chouchoute, Melvin. A quarante ans, sa vie sentimentale est dans un creux, alors que sa meilleure amie, Camilla file le parfait amour avec un riche héritier qu'elle va épouser. Voilà, tout n'est donc pas pour le mieux, surtout que cette enquête fait remonter des souvenirs qu'elle voulait enfouir une bonne fois pour toutes.

Tous ces ingrédients mélangés font passer un très bon moment. Franchement, je pourrais largement me laisser tenter par la suite, puisque Louise est une héroïne récurrente et que ce roman n'est pas le premier ni le dernier de la série ; peut-être aurait-il été plus judicieux de commencer par le numéro 1 d'ailleurs ?

Présentation minimaliste, sobre, aérée, ce roman de 317 pages n'est jamais long ou ennuyeux. En poche, avec des caractères plus petits et une mise en page plus resserrée, allez, je vous le fais à 250 pages, très abordable quoi, la bonne longueur.

Simone BUCHHOLZ

Piranha

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14 décembre 2015

Excellente surprise que ce polar allemand, pour pas mal de raisons : la visite de Hambourg et de ses quartiers atypiques, la vie nocturne dans ces quartiers, la procureure Chastity Riley et sa vie amoureuse compliquée, l'équipe de flics très minutieuse et professionnelle mais aussi le format de l'ouvrage, 200 pages qui ne laissent aucun répit et ne souffrent d'aucun temps mort, d'aucune longueur.

Chastity, c'est une procureure punk, jamais à son bureau, toujours sur le terrain, dans un bar -elle boit beaucoup avec son amie Carla-, au stade de foot à encourager le FC Sankt Pauli, le club du quartier du même nom, au commissariat avec son équipe de flics, chez elle à se poser la question de savoir s'il est bon de coucher et tomber amoureuse -ou vice-versa- de son voisin, Klatsche, cambrioleur repenti désormais serrurier hors pair et particulièrement bien infiltré dans les milieux interlopes de Hambourg mais de quinze ans plus jeune qu'elle qui flirte avec la quarantaine. Elle applique ses méthodes particulières entre la minutie du travail des flics et son instinct, son intuition, sa capacité à se mettre dans la tête des malfrats, à ressentir au plus profond d'elle-même des sensations terribles lorsqu'elle croise un être qui dégage de la violence, de la haine ou un très fort mal-être ; un peu comme un chamane elle ressent tout cela en elle, mais contrairement au-dit chamane, elle ne sait pas quoi en faire et ces expériences la laissent désemparée.

Elle arpente les rues de Hambourg, est tombée sous le charme de cette ville qui n'est pourtant pas dans le classement des villes les plus belles, et particulièrement du port : "Chaque fois que je le vois [le port de Hambourg] apparaître brusquement au milieu de l'obscurité, ça me coupe le souffle. La nuit, le port est un trésor, mon trésor. Un coffre gigantesque rempli de joyaux étincelants, que j'ai trouvé il y a dix ans quand je suis arrivée à Hambourg. Découvrir un tel trésor a été une grande surprise car, à l'époque, je ne suis venue ici que pour le boulot." (p.48) Mais le quartier Sankt Pauli n'est pas en reste, omniprésent dans le roman, le contexte géographique. Je ne connais pas la ville, mais après cette lecture, franchement, j'irais bien y faire un tour.

Une très belle réussite donc que ce polar bourré d'humour malgré l'horreur des situations ; je me permets d'ailleurs de rassurer les âmes sensibles, point d'hémoglobine ou de descriptions sanguinolentes dans le livre, tout est dit mais pas décrit, et très supportable. Simone Bucholz use d'une plume vive, percutante, accrocheuse qui ferre le lecteur et ne le lâche qu'à la toute fin de son histoire. Une mention particulière pour le pénultième chapitre (p.174/179) qui permet d'avoir une jolie surprise encore, juste avant la fin, plus dans la forme que dans le fond, certes, mais j'ai apprécié.

Très bonne pioche des éditions Piranha avec une couverture particulièrement réussie.

Conseillé par
14 décembre 2015

Je me souviens avoir vu il y a quelques années -sur Arte sûrement qui est co-éditeur de ce très beau livre- deux des films de Pierre Etaix, Le grand amour (ah, la scène du lit roulant sur une route de campagne !) et Le soupirant (avec une petite préférence pour ce dernier). Deux films co-écrits avec Jean-Claude Carrière s'il vous plaît, ce puits de connaissance qui me surprend et me fascine à chaque fois que je l'entends par son aisance à parler de tout avec une simplicité déconcertante.

Pierre Etaix, c'est avant tout un clown. Il a créé avec Annie Fratellini, sa femme de cirque, l'École Nationale de cirque dans les années 1970. Tout cela je le savais, et l'ouvrage en parle joliment et largement. On peut aussi aisément deviner l'admiration d'Etaix pour les stars du slapstick et du cinéma muet états-unien : Buster Keaton, Les Marx Brtothers, Laurel et Hardy, mais aussi plus bavard, Jerry Lewis. Par contre, j'ignorais les talents de dessinateurs, peintre ou affichiste de l'artiste : certains dessins représentants ses idoles sont absolument fabuleux. L'un deux en quelques coups de pinceau et peu de détails représentent on ne peut mieux le duo Stan Laurel et Oliver Hardy (p.85). Un autre, sur une double page est l'affiche de "Jerry at zi Olympia 1971" ( p.138/139) : de simples traits de pinceaux, une tête reproduite plusieurs fois, des mains et hop on voit Jerry Lewis dans ses sketches. Et je passe des détournements de tableaux, des photographies, des poèmes, des affiches, des hommages aux gens qu'il a croisés et qui lui ont appris une technique, un art, un gag, ...

Un beau livre à la couverture magnifique qui vous fera découvrir le monde d'un homme discret et à mon goût trop méconnu. En même temps que ce livre sort un coffret avec tous les films en DVD, courts, moyens et longs métrages. Qui a dit chouette ? Moi évidemment ! Puissé-je vous donner envie de (re)découvrir l'œuvre de ce grand créateur... Pour ma part une envie à peine soutenable naît en moi : voir et revoir les films de Pierre Etaix (et je me referais bien aussi ceux de Jacques Tati).

Une petite bande annonce sur le site des éditions Séguier et la même sur celui d'Arte editions; double chance de faire le bon choix.