Ingannmic

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Je suis une lectrice compulsive, en quête perpétuelle de belles découvertes...

Conseillé par
1 août 2010

Vu d'Afrique.

Un quadragénaire français ingénieur dans le pétrole,
une ex-espionne de la DGSE sur le retour,
une étudiante congolaise spécialisée dans la philosophie kantienne,
un prêtre rwandais génocidaire...
une japonaise "bleue"...
... et ceci n'est qu'un échantillon de la palette de personnages que vous croiserez dans le roman de Patrick Besson, "Mais le fleuve tuera l'homme blanc", qui a pour cadre le Congo de ces années 2000, mais pas seulement, puisque les événements qui en constituent la trame puisent leurs origines dans certains des épisodes qui ont marqué l'histoire de l'Afrique centrale au cours des trois dernières décennies.

Je dois avouer avoir eu au départ un peu de mal à m'immerger dans ce récit, en raison de la personnalité de son premier narrateur (le pétrolier français), qui se présente dans un premier temps comme un homme plutôt insipide...
Puis d'autres protagonistes prennent à leur tour la parole, chacun apportant sa contribution à l'élaboration de l'intrigue qui prend peu à peu tout son sens. Et il arrive un moment où le récit vous happe, à partir duquel il devient difficile de lâcher ce qui est à la fois un roman d'espionnage, un thriller politico-historique, et la relation de drames personnels.

Ah, j'ai oublié dans ma liste le personnage principal de "Mais le fleuve tuera l'homme blanc"... c'est l'Afrique, une Afrique grouillante, caniculaire, sexuelle, dont Patrick Besson donne une image de carrefour du monde, où se retrouvent tous ceux qui, de par tous les continents, recherchent l'aventure, le profit et le pouvoir faciles, qui devient ainsi le théâtre d'intrigues et de manipulations politico économiques au relent de soufre.
Une Afrique misérable et violente aussi, où l'on s'entretue, et où l'on a peu de chances d'atteindre l'âge adulte sans avoir contracter au mieux le paludisme, au pire le sida.

Ce qui à mon avis fait la principale force de cet ouvrage est la maîtrise avec laquelle Patrick Besson construit son récit. A aucun moment je ne m'y suis sentie perdue, en dépit d'un contexte à composantes multiples, de la diversité des nombreux protagonistes, qui deviennent même des atouts du roman. Ils permettent en effet à l'auteur de porter sur les événements décrits différents regards, de les enrichir de points de vue parfois opposés, selon l'interlocuteur qui les commente, qui peut être tour à tour noir ou blanc, riche ou pauvre, hutu ou tutsi... victimes et bourreaux échangeant à certains moments leurs rôles.
L'ensemble est empreint d'un cynisme désabusé, fustigeant l'hypocrisie des responsables politiques européens successifs (notamment français) qui dans cette Afrique post-coloniale continuent d'exercer, grâce à leur puissance économique, une influence intéressée, déplorant également la mainmise sur les richesses africaines de toutes les nations (américaines, et maintenant asiatiques, entre autres) qui continuent de faire du profit aux dépens de ce continent pauvre, avec l'appui de dictateurs locaux.

En conclusion, "Mais le fleuve tuera l'homme blanc" est une fiction d'autant plus passionnante qu'elle met en scène notre monde d'aujourd'hui, sur lequel l'auteur porte un regard certes personnel, mais néanmoins fort intéressant.

Éditions Gallmeister

Conseillé par
15 mai 2010

Du suspense, de l'action, mais pas que...

"La sanction" s'ouvre sur une galerie de personnages bien peu ordinaires... Nous y suivons pour commencer l'agent Wormwood, qui se trouve à Montréal dans le cadre d'une mission dont l'a chargée le CII, l'organisation secrète américaine pour laquelle il travaille.
Wormwood est maladroit et n'a pas l'air très futé... parvenu à sa chambre d'hôtel, il est d'ailleurs victime d'un piège dont il ne sortira pas vivant.
C'est là qu'entre en scène LE personnage principal du roman, Jonathan Hemlock, inoubliable par son atypisme.

A la fois professeur d'université érudit, ex alpiniste de renommée internationale, collectionneur de conquêtes féminines et d'oeuvres d'art, il a ponctuellement besoin, pour entretenir cette dernière passion, de sommes d'argent conséquentes que ne lui procure pas son activité professionnelle. C'est pourquoi il offre parfois ses services à la section "Recherche et Sanction" du CII, avec pour mission de "punir" les agents ennemis ayant eu la mauvaise idée d'éliminer un membre de l'organisation américaine.
A la demande de l'étrange Dragon, un albinos qui vit cloîtré dans une chambre obscure à la température constante de 30°, Jonathan doit sanctionner l'assassin de Wormwood.

La première partie du roman s'attarde ensuite sur la personnalité hors du commun dudit Jonathan, dont on apprend entre autres, par le truchement de nombreux fash backs, qu'il est dénué de conscience morale, mais qu'il accorde à la loyauté en amitié une importance qui ne souffre aucune concession.
Autour de son héros, Trevanian fait évoluer nombre de personnages secondaires qu'il ne néglige pas pour autant, donnant de la densité à son récit, et suscitant l'intérêt du lecteur sans jamais l'amoindrir.
Et si cela ne suffisait pas, il insuffle un tel rythme à l'action de son roman, qu'il est probable que vous aurez toutes les peines du monde à le reposer une fois ouvert, et à ne pas le lire d'une traite jusqu'à l'haletant final que j'aurais voulu plus long...

C'est en 1972 que Trevanian (pseudonyme d'un auteur mystérieux, et "probablement mort", ainsi que nous l'apprenons en préambule de l'ouvrage) écrivit ce roman, que viennent de republier les éditions Gallmeister, ce qui me fait dire que "La sanction" n'a pas pris une ride ! On y retrouve cet humour cynique, ce ton désabusé qui font le charme des grands romans d'espionnage, mais on y décèle aussi une certaine distance que prend l'auteur vis-à-vis de son pays natal. Par l'intermédiaire du personnage de Jonathan, qui fait preuve d'une absence surprenante de patriotisme, qui se désintéresse de toute idéologie, on le devine critique à l'égard d'une nation qui fait preuve d'un arrogant sentiment de supériorité... et ce, en pleine période de guerre froide !

Un roman à (re)découvrir, pour tous ceux qui aiment les histoires à suspense, et pour tous les autres aussi !