Raoul de Cambrai

Cette chanson de geste du XIIe siècle est un drame psychologique dont Paul Tuffrau a su rendre l'intensité dans une langue très pure avec un goût parfait : deux hommes se font face, Raoul, le baron orgueilleux et cruel, et Bernier, le chevalier loyal et fidèle. Tout les oppose et les forfaits de Raoul finiront par contraindre Bernier à le tuer. Mais « trahir son seigneur, c'est renier Dieu », telle est la loi féodale, et Bernier ne se pardonnera jamais d'avoir tué celui « qui l'a nourri » et fait chevalier. Cette chanson de geste, unique en son genre car tout entière centrée autour d'un cas de conscience, tranche avec les autres chansons de geste où l'élément dominant est la guerre.
Elle est riche en rebondissements et en scènes violentes, évoquées par Paul Tuffrau avec une vie et une maîtrise étonnantes, en particulier la poursuite effrénée de Raoul – scandée par la même phrase qui revient comme une antienne : « Par les champs, par les chaumes, par les landes, Droon s'enfuit. » –, imprimant à cette effroyable chasse à l'homme un rythme haletant, qui fait penser à Hugo. L'intérêt du récit ne faiblit jamais : le livre se lit d'une traite avec une attention passionnée.